QUEL PAYS DÉPASSE LE PLUS LES LIMITES PLANÉTAIRES : RÉPONSE AVEC CETTE REPRÉSENTATION PERCUTANTE DE “LA THÉORIE DU DONUT”
Depuis au moins 30 ans, pas un seul pays n’a répondu aux besoins fondamentaux de ses habitants sans surexploiter les ressources, illustre une datavisualisation édifiante. Le Vietnam est le pays qui affiche les moins mauvaises performances, notent toutefois les économistes du DEAL, le centre de recherche dédié à la “théorie du Donut”. Pour arriver à ces conclusions, ils ont compilé 11 indicateurs sociaux et sept données environnementales dans plus de 150 pays de 1992 à 2015. Imaginée par Kate Raworth, économiste et professeure à Oxford, ce courant iconoclaste invite à repenser notre approche de l’économie pour intégrer les limites à la fois sociales et environnementales de la planète.
Un Donut pour mieux comprendre que l’on va droit dans le mur ? L’idée peut paraître farfelue mais elle a le mérite d’être pédagogique ! Elle l’est tellement que les tenants de ce courant économique qui prend de l’ampleur ont choisi de réaliser des cartes évolutives pour illustrer les conséquences d’une croissance exponentielle dans un monde aux ressources limitées, sans avancées sociales majeures.
En un clin d’œil, les datavisualisations des économistes du DEAL (Doughnut Economics Action Lab) démontrent que la plupart des 150 pays analysés ont pulvérisé les limites planétaires entre 1992 et 2015, avec quelques améliorations sur le front social mais dans une moindre mesure. Résultat : les nations s’inscrivent de moins en moins dans l’”espace sûr et juste” délimité par le donut. L’anneau de la pâtisserie matérialise le monde optimal où les besoins basiques de la population, calculés à partir de 11 données comme l’espérance de vie, l’accès à l’énergie, à l’éducation ou au système démocratique, sont satisfaits s’ils ne dépassent par le trou du biscuit. Quant aux limites environnementales, basées sur sept données, comme les émissions de CO2, l’utilisation de l’eau douce ou encore la pollution chimique, elles restent soutenables lorsqu’elles ne dépassent pas l’extérieur du beignet.
Sans surprise, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada affichent les dépassements les plus importants. Ils transgressent les limites planétaires écologiques, tout en réalisant des gains sociaux minimes. Des pays plus pauvres comme le Bangladesh, le Malawi et le Sri Lanka vivent à l’intérieur des frontières planétaires, mais ne parviennent toujours pas à répondre à de nombreux besoins humains fondamentaux. Le Vietnam est le pays qui affiche les moins mauvaises performances avec six des 11 seuils sociaux respectés, tout en ne transgressant qu’une des sept limites environnementales. Quant à la France, elle respecte globalement les limites sociales mais dépasse les limites environnementales avec une aggravation notable au fil du temps.
La théorie du Donut séduit de plus en plus
Globalement, “les pays sont plus près de répondre aux besoins de base de leurs résidents qu’ils ne l’étaient il y a 30 ans“, se réjouissent les auteurs de l’étude. En revanche, le nombre de pays “qui consomment trop de ressources augmente. Les pays ont tendance à dépasser les limites planétaires plus rapidement qu’ils n’atteignent les seuils sociaux minimaux“, note ainsi l’étude. Pour que tous les citoyens puissent mener une vie digne, dans les limites de durabilité de notre planète, le niveau de ressources utilisées devrait être divisé de deux à six fois en fonction des indicateurs considérés, indiquent ainsi les auteurs. Les chercheurs ont également fait des projections jusqu’en 2050 : à cette date, aucun pays ne resterait dans la zone sociale sécurisée, sans dépasser les frontières planétaires. Le Costa Rica s’en rapproche le plus, transformant systématiquement les ressources en réalisations sociales plus efficacement que d’autres pays.
Les économistes misent sur leurs études et le best-seller de l’économiste et professeur à Oxford Kate Raworth “La théorie du donut – L’économie de demain en 7 principes”, pour améliorer la situation. Les tenants de cette théorie plaident pour un changement d’indicateurs afin de mieux évaluer les politiques publiques. L’entreprise à intérêt communautaire DEAL accompagne ainsi des dizaines d’initiatives portées par des municipalités, comme Amsterdam, Philadelphie, Portland, Copenhague ou encore Bruxelles. La capitale des Pays-Bas est devenue la première ville au monde à s’appuyer sur cette théorie pour établir ses décisions, en avril 2020. Elle s’est notamment fixée pour objectif d’être “100 % circulaire” d’ici à 2050, via, entre autres, la récupération de textiles ou le compostage. “Un élan qui guidera le relèvement économique et social de la ville après la pandémie“, assure la municipalité. L’idée séduit même au-delà des municipalités puisque le pape François a cité cette théorie en modèle lors de son discours de clôture d’un rassemblement de jeunes en novembre 2020 !
Mathilde Golla, @Mathgolla , Novethic.