Economie

L’ambition du Sénégal dans le “gas-to-power”

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L’Afrique recevra en 2019 un tiers du total des investissements en création de capacités en termes de gaz naturel liquéfié (GNL), autour de $103 milliards. Le Sénégal mène la danse avec son projet gazier Grand Tortue Ahmeiym (GTA), qui produira des bénéfices économiques et sociaux à long-terme. Gas-to-Power, ou la transformation du gaz en électricité, est devenue un élément-clé de la stratégie nationale avec le double objectif de donner l’accès universel à l’électricité et d’accroître la compétitivité économique du Sénégal.

La première découverte de gaz par Kosmos Energy dans le champ GTA a eu lieu en 2014. L’entreprise, spécialiste de l’exploration pionnière, a ensuite signé un accord de partenariat avec la supermajor britannique BP pour le développement du projet. Des découvertes successives ont ensuite permis d’estimer une capacité de production annuelle du champ à environ 10 million de tonnes de GNL. Au-delà des réserves potentielles, ce projet est unique en plusieurs points. En effet, il a permis la signature d’un accord de coopération transfrontalier historique entre le Sénégal et la Mauritanie. Ensuite, le projet GTA sera connu comme le projet GNL le plus rapide jamais entrepris, puisque les premières productions sont prévus pour 2022, soit cinq à six ans après la première découverte.

Dans le cadre du Plan Sénégal Emergent (PSE), lancé par Son Excellence Le Président Macky Sall en 2014, Sénégal a pour objectif de disposer d’énergie suffisante pour atteindre un triple objectif : fournir l’électricité sans coupure à l’ensemble de la population, accroître la compétitivité des entreprises grâce à une électricité moins chère et protéger l’environnement grâce à l’énergie propre. Pendant une entrevue avec Africa Oil & Power, Philippe Miquel, directeur régional de l’Afrique de l’Ouest et du Centre pour l’entreprise d’énergie renouvelable française Engie, déclarait : ” Je pense que c’est une excellente chose pour le Sénégal de développer ses ressources de gaz naturel. D’abord, cela va réduire l’utilisation de centrale à base d’énergie fossile. Ensuite, le Sénégal pourra penser à aux utilisations alternatives du gaz naturel : distribution commerciale, transport, etc. ”

Depuis les découvertes dans le champ GTA, la stratégie gas-to-power est devenu un sujet de discussion majeur au Sénégal ainsi qu’une composante essentielle de la stratégie du pays dans le but dd’atteindre l’indépendance énergétique et de devenir un hub énergétique régional. Serigne Mboup, directeur général de la Société Africaine de Raffinage (SAR), a déclaré à Africa Oil & Power : ” Le gouvernement du Sénégal a exprimé son but de faire de notre pays le hub de l’énergie en Afrique de l’Ouest. Cette stratégie s’inscrit dans la tendance globale de diversification vers la production d’énergie plus verte, dans laquelle la SAR s’inscrit complètement. ”

Afin d’implémenter son plan directeur gas-to-power, le gouvernement sénégalais travaille en étroite collaboration avec une équipe composée de l’entreprise anglaise Penspen et MJMEnergy. Penspen sera en charge d’étudier les aspects techniques du projet incluant les différents scénarios de transmissions depuis les sources de production vers les consommateurs finaux. Elle sera aussi responsable du plan conceptuel du réseau gazier ainsi que de la définition des coûts et du planning associés. MJMEnergy définira le plan économique du projet, qui comprend les aspects relatifs marché gazier ainsi que les données financières. Elle développera en outre le cadre institutionnel ainsi que les besoins de la nouvelle entreprise semi-publique qui sera propriétaire et gestionnaire du réseau gazier.

“Nous sommes heureux de contribuer au développement du réseau gazier sénégalais. Ce projet de premier plan est étape importante pour le pays dans l’optique de fournir à ses habitants un accès à l’énergie propre et peu chère. Nous serons ravi de mettre à profit notre grande expérience technique pour aider le Sénégal à maximiser le bénéfice des découvertes de gaz naturel dans ses eaux territoriales ” a expliqué Peter O’Sullivan, directeur général de Penspen.

Zones de production

Le Sénégal produit actuellement du gaz depuis le champ Gadiaga onshore, qui est, pour la très grande majorité, consommé par de grands comptes, tels que les producteurs de ciment. Deux champs de gaz vont rentrer en production en 2022 : Sangomar, au large de Dakar et GTA.

La production de gaz depuis Sangomar sera réservé exclusivement à la SENELEC, entreprise nationale de production d’électricité. Les experts estiment que le champ pourra produire entre 60 et 100 million de pieds cube par jour (mmscfd), de quoi fournir l’énergie nécessaire pour alimenter une centrale d’une capacité comprise entre 350 et 590 megawatts (MW).

Le champ GTA, au large de Saint-Louis, à cheval sur la frontière sénégalo-mauritanienne, contient entre 15 et 50 trillions de pieds cubes (tcf) de gaz naturel. Le plan de développement du projet fait état de production de 35 mmscfd pour chaque pays, assez pour alimenter une centrale de 250 MW de chaque côté.

Les calculs de la SENELEC indiquent un prix d’achat du gaz naturel aux alentours de $5 à $6 par million d’unités thermiques britanniques (MMBTU). Selon ce chiffre, le coût de production du kilowattheure pourrait être réduit de moitié par rapport à l’existant.

Infrastructure gas-to-power

Le réseau de transport du gaz naturel sera divisé en trois : le réseau nord, le réseau sud et le réseau de Dakar. Avec une longueur totale d’environ 472 kilomètres, le coût de construction du réseau est estimé aux alentours de $300 million et sera réalisé en plusieurs phases successives.

Le réseau nord inclura un pipeline entre le champ GTA et une centrale proche de Saint-Louis, qui sera ensuite étendu de 140 kilomètres jusqu’à la centrale Tobène. Ce segment sera opérationnel en 2024.

Le réseau Sud connectera le réseau de Dakar à la centrale Kahone en 2023. Il inclut un pipeline de 120 kilomètres.

Le réseau de Dakar est le centre névralgique de l’ensemble, et devrait être opérationnel dès 2023. Il connectera le champ productif Sangomar à l’ensemble des centrales existantes autour de Dakar, avec une longueur totale de 157 kilomètres.

Production électrique

Afin de produire assez d’électricité pour atteindre les objectifs fixés, le Sénégal met en place une double stratégie concernant les centrales : certaines centrales existantes seront converties en centrale à double combustible tandis que de nouvelles centrales seront construites utilisant le cycle combiné fonctionnant au gaz naturel (CCGT).

Selon une étude menée par l’entreprise suédoise Wärtsilä, $61 millions sont nécessaires pour la conversation des centrales existantes. Des discussions sont en cours avec la Banque Mondiale à propos du financement du projet. Principalement situées autour de Dakar, ces centrales pourraient recevoir du gaz de Sangomar dès 2023.

Wärtsilä a signé l’an dernier un contrat pour la construction d’une centrale Flexicycle de 130 MW, en cohérence avec la stratégie du Sénégal de développer des centrales flexibles prêts à fonctionner au gaz naturel. Le donneur d’ordre était Matelec, un sous-traitant du producteur indépendant MPG (Melec Power Gen), et filiale du groupe Matelec, basé au Liban.
“C’est un projet majeur du secteur énergétique sénégalais. Nous avions besoin d’un partenaire de confiance et hautement qualifié pour fournir un système énergétique flexible, fiable et évolutif. Grâce à son expérience internationale et panafricaine, Wärtsilä rassemblait tous les critères pour ce projet ” a indiqué Sami Soughayar, directeur général, Matelec Group.

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