Le raffinage : option stratégique du Sénégal depuis l’indépendance
L’Energie a toujours été une question éminemment politique, en ce qu’elle influence fortement les performances économiques des Etats sous l’impulsion de leur gouvernement. Le Sénégal l’ayant compris plus tôt que les nations sœurs de l’Afrique de l’Ouest, s’est doté d’une raffinerie dès les premières heures de son indépendance. L’indépendance d’un Etat post-colonial ne pouvait être totale, sans que son gouvernement ne puisse garantir sa souveraineté économique vis à vis de l’ancienne puissance coloniale. Le raffinage a été, depuis Senghor en 1961 et demeure encore, aujourd’hui, avec Macky Sall, le moteur de l’aval pétrolier sénégalais.
C’est dans cette optique que le gouvernement du Sénégal, sous l’impulsion de Mamadou DIA, Président du Conseil du Gouvernement a procédé à la création de la SAR en 1961.
La vision du Président Mamadou DIA, répondait à un double défi :
1er défi : Assurer l’indépendance énergétique du pays vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale;
2eme défi : Assurer la sécurisation du pays en produits pétroliers.
Et ceci dans le but garantir sa souveraineté économique, à travers le vaste plan d’industrialisation du Sénégal, qui ne pouvait se faire sans une maîtrise énergétique.
Nous conviendrons donc, que l’aval pétrolier Sénégalais a toujours été au cœur des politiques publiques.
60 ans après sa création, il serait plus qu’opportun de rappeler le rôle de la doyenne de la Société Africaine de raffinage, et sa partition dans la sécurisation de l’approvisionnement du pays en produits pétroliers, qui est un des objectifs dévolus au Ministère de tutelle, à travers la Lettre de politique du Développement du Secteur de l’Energie.
1961 à 1964 : Sa Création
Créée en 1961, sous l’impulsion du Gouvernement de Mamadou DIA, Prédisent du Conseil du Gouvernement, maillon essentiel dans un ambitieux plan d’industrialisation du Sénégal, nouvellement indépendant.
La SAR a été inaugurée le 27 janvier 1964 par le Président Léopold Sédar SENGHOR.
La libéralisation du sous-secteur Aval pétrolier en 1998, la SAR régulateur
En 1998 une large réforme qui s’inscrit dans le cadre de la « Lettre de Politique de Développement du Secteur de l’Energie » est engagée. Elle s’articule autour des axes suivants :
- Libéralisation totale des activités du secteur et stimulation de la concurrence en vue d’une diminution du coût des produits ;
- Abolition de tous les monopoles existants sur les segments de la chaîne d’approvisionnement (importation, raffinage, transport et distribution) ;
- Modifications légales et réglementaires permettant l’accès des tiers aux installations existantes de stockage et à l’exercice des activités de transport des produits pétroliers.
L’objectif de la présente loi est de réguler les activités d’importation, de raffinage, d’exportation, de stockage, de transport, de distribution et de commercialisation d’hydrocarbures sur toute l’étendue du territoire national.
Rôle de régulation du sous-secteur
Détenant le monopole du raffinage Sénégalais, la SAR jouera de fait le rôle de régulateur du marché. La production de la raffinerie ayant la priorité d’accès aux dépôts de stockage qui sont mutualisés, donc de la vente aux distributeurs. Les produits de la SAR sont répartis de telle sorte qu’elle respecte les réalités du marché Sénégalais, en termes de sorties par jour des sociétés de distribution, sous le contrôle du CNH.
Par définition, le CNH (Comité National des Hydrocarbures) est un organe consultatif, ayant pour mission de donner des avis et de formuler des recommandations sur toutes les questions concernant le secteur qui lui sont soumises par le Ministre du Pétrole et des Energies.
Il n’empêche que, malgré la libéralisation, la SAR a conservé son rôle central. Car en plus de sa production, la SAR continue à approvisionner le marché via des importations, lorsque les cours mondiaux du baril de pétrole brut et des produits pétroliers de référence, cotés sur le marché international sont hauts, permettant ainsi aux distributeurs indépendants de survivre et de suivre la cadence imposée dans un marché toujours dominé par les majors.
D’autant plus que la libéralisation coïncidait avec le début de la remontée des prix des différents pétrole Brut. L’illustration en est qu’ en 1998 le cours baril de WTI (West Texas Intermediate), pétrole de référence Américain qui s’échangeait à 11,3 $ ira jusqu’à atteindre le record historique de 135,09$ en mai 2008.
Soutien aux entreprises locales (promotion du local content)
En termes de soutien aux entreprises nationales et de promotion du contenu local Sénégalais. La SAR, aujourd’hui c’est un effectif 100% Sénégalais, une raffinerie qui marche à feu continu avec une expertise locale à 100% sans assistance technique étrangère.
Sur plus de 500 fournisseurs et prestataires de biens et services (hors produits pétroliers) recensés, environ 50% sont des entreprises locales.
2006 2009 : Progrès technologique et nationalisation de la Raffinerie de Mbao
L’effet combiné de la flambée prix des produits pétroliers dans un marché excédentaire et le désintéressement de l’activité raffinage, de la part de certains actionnaires stratégiques, plonge la SAR dans une nouvelle crise. Cela dit, face à l’impérieuse nécessité de conserver la doyenne des Raffineries Ouest Africaine, fer de lance du Secteur aval des hydrocarbures, l’Etat du Sénégal va décider d’augmenter sa prise de participation, via la Société nationale PETROSEN qui va allonger sa prise de participation à 80% des actions de la SAR en 2009. Le Sénégal exprimant ainsi de façon catégorique, son refus d’assister à une fermeture de la raffinerie, considérée de trop dans le marché Ouest Africain, du fait de la présence de ses sœurs cadettes dont la Société Ivoirienne de raffinage.
En plus, au même moment, nous assistions à la fermeture de plusieurs raffineries européennes, du fait de l’excédent de production sur le marché Européen, dont le salut pourrait passer par écouler leurs excédents de production, en intensifiant leurs exportations vers l’Afrique, dont la qualité qualifiée de « qualité Africaine » du fait de la teneur en soufre, n’est pas forcément de meilleure qualité que la production des raffineries locales, qui d’ailleurs tendent vers les spécifications Afri 4 et Afri 5 de l’ARA, portant sur du gasoil à bas taux de soufre.
Quelques années auparavant, le Président Macky SALL, à l’époque premier ministre du Sénégal présida la cérémonie d’inauguration de la salle de contrôle « SNCC » le 27 janvier 2006. Une avancée technologique majeure à l’époque :
- sur le plan sécuritaire car résistant aux explosions ;
- mais aussi technologique, car faisant évoluer la raffinerie d’une conduite pneumatique vers une conduite numérique offrant une visualisation des unités accompagnée de signaux sonores.
De 2014 à 2016 : l’annonce des découvertes SANGOMAR et de GRAND TORTUE AYMHEIN
Dans le contexte d’un Sénégal futur pays Pétrolier et Gazier, qui suscite beaucoup de polémiques et parfois d’errements assez remarquables pour le souligner, il convient de rappeler que le Sénégal qui traite sur son sol des pétroles (Brut) étrangers depuis une soixantaine d’années, a vu naître et se développer au KM 18, de la Route de Rufisque, une unité industrielle qui est depuis plusieurs années, une des, si ce n’est la première entreprise Sénégalaise en termes de chiffre d’affaires.
Les débats du maintien de l’outil, avec les contraintes soulevées étant définitivement clos avec la présence de pétrole dans l’ « Offshore » Sénégalais, surviennent les défis de l’adaptation et de l’augmentation des unités de raffinage en vue du traitement la production future.
2021 : Son développement
60 ans après, traversant les régimes et les idéologies politiques qui se sont succédés à la tête de notre nation. Avec des paradoxes assez notables pour être souligné :
– Un gouvernement d’obédience Socialiste a favorisé la Libéralisation totale du Secteur en 1998 ;
– La nationalisation avec une prise de participation de l’Etat via PETROSEN à hauteur de 80% des parts en 2009, sous régime libéral.
60 ans marquées par des crises profondes, ayant conduit à des mutations technologiques, et une adaptation face au contexte des récentes découvertes de pétrole synonyme d’espoir renouvelé avec le projet ACATBS qui exprime l’ambition de se positionner suite aux découvertes de pétrole de gaz, et qui traduit un double objectif:
– Passage de 1.200.000 de brut à 1.500.000 tonnes capacité de traitement de pétrole brut traité en 2021;
– Adaptation des Unités et accroissement des capacités en vue du traitement du Brut SANGOMAR.
La SAR, maillon essentiel de la Politique du Secteur Energétique Sénégalais, est intiment liée à la vision des chefs de l’Etat, qui ont tour à tour marqué de leur empreinte, l’évolution du Raffinage dans un Sénégal importateur net de Pétrole, vers un Sénégal pays Producteur de Pétrole en 2023-2024.
Notre histoire est la preuve que si les politiques définies sont bien appliquées, notre pays connaîtra sans nul doute toutes les bénédictions de l’or noir qui se profilent à l’horizon.
M. Ardo Hamet Ali BA
Chef de Service Administration des Ventes et Transit
Société Africaine de Raffinage