Quelles stratégies pour un “Gas to Power” optimal
Fort de ses découvertes récentes et substantielles de pétrole et de gaz, le Sénégal se prépare désormais à faire en sorte que ses vastes ressources en gaz naturel contribuent à répondre à la demande future d’électricité et à mettre fin aux prix excessifs de l’électricité qui minent son économie.
Les réserves nationales de gaz du Sénégal seront principalement utilisées pour produire de l’électricité. Les autorités s’attendent à ce que les projets d’infrastructures gazières nationales soient mis en service entre 2025 et 2026, à condition qu’il n’y ait pas de retard. La monétisation de ces importantes ressources énergétiques est à la base des nouvelles ambitions du gouvernement en matière de conversion du gaz en électricité.
Dans ce contexte, le groupe technologique mondial Wärtsilä a mené des études approfondies qui analysent l’impact économique des différentes stratégies gas-to-power disponibles au Sénégal. Deux technologies très différentes sont en concurrence pour répondre aux ambitions gas-to-power du pays : les turbines à gaz à cycle combiné (CCGT) et les moteurs à gaz (ICE).
Ces études ont révélé des différences de coût de système très importantes entre les deux principales technologies de conversion du gaz en électricité que le pays envisage actuellement. Contrairement aux idées reçues, les moteurs à gaz sont en fait bien mieux adaptés que les turbines à gaz à cycle combiné pour exploiter de manière rentable l’énergie des nouvelles ressources gazières du Sénégal, révèle l’étude. Les différences de coûts totaux entre les deux technologies pourraient atteindre jusqu’à 480 millions USD jusqu’en 2035 selon les scénarios.
Deux technologies concurrentes et très différentes
Les modèles de mix énergétique de pointe développés par Wärtsilä, qui élabore des scénarios énergétiques personnalisés pour identifier la manière optimale en termes de coût de fournir une nouvelle capacité de production pour un pays spécifique, montre que les technologies ICE et CCGT présentent des différences de coût significatives pour le gaz. pour alimenter le programme de nouvelle construction jusqu’en 2035.
Bien que ces deux technologies soient également éprouvées et fiables, elles sont très différentes en termes de profils dans lesquels elles peuvent fonctionner. La CCGT est une technologie qui a été développée pour les marchés européens interconnectés de l’électricité, où elle peut fonctionner à tout moment à un facteur de charge de 90 %. D’autre part, la technologie ICE flexible peut fonctionner efficacement dans tous les profils d’exploitation et s’adapter de manière transparente à toutes les autres technologies de production qui composeront le mix énergétique du pays.
En particulier, notre étude révèle que lors de l’exploitation d’un réseau électrique de taille limitée tel que le réseau national sénégalais de 1 GW, s’appuyer sur les CCGT pour étendre considérablement la capacité du réseau serait extrêmement coûteux dans tous les scénarios possibles.
Les différences de coût entre les technologies s’expliquent par un certain nombre de facteurs. Tout d’abord, les climats chauds ont un impact négatif sur la puissance des turbines à gaz plus que sur celle des moteurs à gaz.
Deuxièmement, grâce à l’accès anticipé du Sénégal au gaz domestique bon marché, les coûts d’exploitation deviennent moins impactants que les coûts d’investissement. En d’autres termes, étant donné que les bas prix du gaz diminuent les coûts d’exploitation, il est financièrement sain pour le pays de s’appuyer sur les centrales électriques ICE, qui sont moins chères à construire.
La modularité de la technologie joue également un rôle clé. Le Sénégal devrait avoir besoin de 60 à 80 MW supplémentaires de capacité de production chaque année pour pouvoir répondre à la demande croissante. C’est bien inférieur à la capacité des centrales CCGT typiques qui sont en moyenne de 300 à 400 MW qui doivent être construites en une seule fois, ce qui entraîne des dépenses inutiles. Les centrales à moteur, en revanche, sont modulaires, ce qui signifie qu’elles peuvent être construites exactement au moment où le pays en a besoin, et agrandies si nécessaire.
Les chiffres en jeu sont importants. Le modèle montre que si le Sénégal choisit de privilégier les centrales CCGT au détriment de l’ICE-gaz, cela entraînera jusqu’à 240 millions de dollars de surcoût pour le système d’ici 2035. La différence de coût entre les technologies peut même atteindre 350 millions. USD en faveur de la technologie ICE si le Sénégal choisit également de construire de nouvelles capacités d’énergie renouvelable au cours de la prochaine décennie.
Gestion des risques de retards potentiels des infrastructures gazières
Le développement des infrastructures gazières est une entreprise complexe et de longue haleine. Les retards de programme ne sont pas rares, provoquant des perturbations de l’approvisionnement en gaz qui auront un impact financier énorme sur le fonctionnement des centrales CCGT.
Le Nigeria en sait quelque chose. L’année dernière seulement, d’importants problèmes d’approvisionnement en gaz ont provoqué des arrêts dans certaines des plus grandes centrales électriques à turbine à gaz du pays. Étant donné que les turbines à gaz fonctionnent selon un processus de combustion continu, elles nécessitent un approvisionnement constant en gaz et une charge distribuée stable pour générer une puissance de sortie constante. Si l’approvisionnement est interrompu, des arrêts se produisent, mettant à rude épreuve l’ensemble du système. Les centrales ICE-Gas, quant à elles, sont conçues pour ajuster leur profil opérationnel dans le temps et accroître la flexibilité du système. En raison de leur profil de fonctionnement flexible, ils ont pu maintenir un niveau de disponibilité beaucoup plus élevé.
L’étude a approfondi l’analyse de l’impact financier d’un retard de 2 ans dans le programme d’infrastructure gazière. Il démontre que si le pays décidait d’investir dans les moteurs à gaz, le coût du retard du gaz serait de 550 millions de dollars, alors qu’un système dominé par les CCCG entraînerait un surcoût astronomique de 770 millions de dollars.
Quoi qu’il en soit, la nouvelle capacité de production d’ICE-Gas minimisera le coût total de l’électricité au Sénégal dans tous les scénarios possibles. Si le Sénégal veut répondre à la croissance de la demande d’électricité de manière optimale en termes de coûts, au moins 300 MW de nouvelle capacité ICE-Gas seront nécessaires d’ici 2026.
Energy Capital & Power
Stratégie Gas to Power est déjà en marche…
Le Sénégal est engagé dans une dynamique durable visant à introduire significativement le gaz naturel dans son mix énergétique à court et moyen terme. Cette volonté, renforcée par les importantes ressources d’hydrocarbures découvertes sur le territoire national, devra d’abord se traduire par un basculement de la production électrique nationale du fioul lourd vers le gaz naturel.
Création de la société RGS (Réseau Gazoducs du Sénégal)
Plusieurs études portant sur les options du Sénégal dans le segment midstream du secteur gazier ont été développées récemment. Sur la base de celles-ci, le gouvernement sénégalais envisage, à terme, le développement d’un réseau d’environ 427 km au total pour un coût estimatif de 180 milliards de FCFA. Celui-ci se fera par segments dont le séquençage pourra être optimisé en fonction, d’une part, des dates d’arrivée du gaz et, d’autre part, de la progression des programmes de conversion des centrales existantes.
– Segment 1 – FSRU ou FSU+ Regazéification jusqu’aux centrales de Cap des Biches et Bel-air
– Segment 2 – Réseau Nord : Ce segment sera constitué de deux sous-segments :
a) Un sous-segment offshore d’environ 20 km connectant le champ GTA à une centrale électrique à mettre en place autour de Saint-Louis.
b) Ce sous-segment devra être prolongé par un second en onshore d’une longueur d’environ 140 km pour le connecter à la centrale de Tobène Power. Au total ce réseau Nord représentera un coût total d’environ 77,4 milliards Francs CFA (soit 118 millions d’euros) ;
– Segment 3 – Réseau Dakar : Ce segment constitue le coeur de la stratégie car il permet l’alimentation en gaz des principales centrales électrique existantes du Sénégal.
Sa mise en opération devra intervenir au plus tard en 2023 pour le transport du gaz venant de SNE (disponible à partir de 2023/24) aux différentes centrales électriques autour de Dakar.
Il connectera ces dernières au champ SNE avec un réseau de pipeline d’environ 157 km reliant les centrales de Cap des Biches, Sendou, Bel Air, Tobène et Malicounda.
Le coût total de ce segment 3 est estimé à environ 61 milliards de francs CFA (soit 93 millions d’euros) ;
– Segment 4 – Réseau Sud : En parallèle à la construction du réseau autour de Dakar, ce segment devra être mis en oeuvre pour raccorder, avant 2023, la centrale de Kahone (via Malicounda) au segment 2, soit un pipeline d’environ 120 km.
Le coût est estimé à environ 42,6 milliards de francs CFA (soit 65 millions d’euros).
En termes de financement d’une telle ambition, il est prévu d’y consacrer environ 400 millions de dollars du Compact 2 du Millenium Challenge Corporation (MCC) accordé au Sénégal sur la période 2019-2024.