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Le Sénégal se mue progressivement en hub de la formation pétrole et gaz

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Lancé il y a six ans à Dakar, l’Institut national du pétrole et du gaz (INPG) affiche des taux d’insertion records de ses étudiants. Ce succès nourrit l’essor de l’industrie locale, dont les besoins sont toutefois loin d’être satisfaits.

Moussa Oularé, formateur et chargé d’affaires et de développement à l’Institut national du pétrole et du gaz de Dakar, fait une démonstration du simulateur de forage pétrolier de l’école, le 8 février 2024. © Théo du Couëdic

Un mannequin d’1,95 m en combinaison de pétrolier orange, un masque à gaz sur le visage. C’est la première chose que voient les visiteurs en arrivant à l’accueil de l’Institut national du pétrole et du gaz (INPG), au troisième étage d’un immeuble du quartier Point E, à Dakar.

À quelques mètres de cette silhouette saisissante, sur un écran suspendu au mur, d’anciens étudiants se mettent en scène sur leur lieu de travail respectif – l’une derrière son bureau, dans les locaux de Petrosen, un autre à bord du navire (FPSO) parti de Singapour et qui vient de rejoindre le gisement Sangomar. Une manière, pour cet institut créé par décret présidentiel en 2017, de prouver sa connexion aux besoins du marché du travail.

Anticipation des besoins
« Nous en sommes à la troisième promotion du master spécialisé en ingénierie pétrolière – soit 65­ spécialistes. Les étudiants des deux années passées ont un taux d’insertion de 100 %. Ils ont été recrutés par des compagnies pétrolières opérant sur place, comme Baker Hughes, Halliburton, Technip Energies, Woodside. Certains ont rejoint Petrosen, au ministère du Pétrole et des Énergies ou encore à la Société africaine de raffinage. Le but, c’est aussi de renforcer l’État », explique Aguibou Ba, le directeur de l’institut. Si cela reste modeste au regard des immenses besoins en formation professionnelle dans les domaines du pétrole et gaz, de l’industrie, de la tech, des services, l’institut a réussi le pari de la montée en compétences au niveau local.

Ces sept dernières années, Aguibou Ba, ingénieur en microélectronique de 46 ans, formé dans les écoles supérieures polytechniques de Dakar et de Montréal, et avec une expérience de plus de dix ans chez Schlumberger, est devenu un artisan incontournable de la politique de développement de la filière pétrole et gaz du Sénégal. « L’INPG se positionne sur toute la chaîne de valeur, avec des déploiements par phases », indique-t-il. L’institut est constitué pour le moment d’une petite équipe de quinze personnes – dont trois formateurs avec une expérience avérée dans le secteur, un chiffre amené à évoluer –, mais il a noué des partenariats avec l’Institut français du pétrole (IFP), l’Institut algérien du pétrole (IAP) et des cabinets de conseil pour renforcer son offre.

Si, en 2018, l’urgence était de former des ingénieurs, au cours d’un programme ultra-sélectif de dix-huit mois, de manière qu’ils accumulent de l’expérience avant l’entrée en exploitation des gisements Grand Tortue Ahmeyim et Sangomar – plusieurs fois retardée et finalement annoncée pour cette année –, l’INPG a progressivement étendu son spectre. « Depuis 2021, nous avons formé plus de 400 membres de l’administration sénégalaise aux fondamentaux du secteur. Ces sessions sont très spécifiques, selon les corps de métiers, sur les normes douanières, la fiscalité des contrats pétroliers ou encore les normes environnementales », détaille Aguibou Ba.

Certificats et simulateur
Les formateurs de l’INPG multiplient aussi les interventions au sein des banques et des assurances de la place. « L’un des freins au développement de l’écosystème oil & gas, c’est le manque de financement des PME et PMI. Notre rôle consiste à expliquer le fonctionnement de l’industrie pour permettre une meilleure évaluation des risques », poursuit le directeur de l’INPG qui met en avant l’autre volet d’action de l’institut, appelé à prendre de l’importance, à savoir l’événementiel via l’organisation de forums et conférences. Une manière de diversifier les sources de revenus de l’INPG, financé par l’État sénégalais, plusieurs entreprises pétrolières et gazières de la place siégeant à son conseil d’administration.

Mais ce qui devrait installer l’INPG dans une nouvelle dimension, au cours des mois et des années à venir, c’est avant tout l’octroi de certificats d’aptitude – incontournables pour travailler dans un secteur très pointu, souvent comparé à l’aéronautique.

Ainsi, un centre de formation aux standards internationaux, financé par l’État pour un montant non divulgué, est en construction à Diamniadio. Devant s’étendre sur une dizaine d’hectares, il reproduira notamment un chantier offshore en miniature – forage, vannes, pompes, compresseurs – et permettra ainsi de simuler des opérations pétrolières. Autre atout, il proposera la certification Bosiet, indispensable pour être habilité à travailler sur une installation en mer, un sésame que les professionnels doivent aujourd’hui aller passer à l’étranger (au Ghana notamment).

Fournir la sous-région
« L’objectif est que l’INPG devienne le premier fournisseur dans la sous-région de formations pétrolières et gazières », explique la responsable de l’offre de l’institut, Annie-Flore Gbenou-Damas. « Mauritanie, Côte d’Ivoire, Gambie, Guinée… Tous les pays qui sont dans l’exploration ou dans la production peuvent être intéressés, reprend-t-elle. Nous avons une longueur d’avance sur les projets dans la zone. » Même idée avec l’investissement, réalisé il y a un peu moins d’un an, dans une salle de simulation de forage de dernière génération, unique en Afrique de l’Ouest.
Selon Aguibou Ba, les investissements réalisés par l’INPG pourraient, à terme, profiter à d’autres industries. « Certaines formations et certifications peuvent être transférables. Quand nous parlons de travail en hauteur, par exemple, c’est quelque chose qu’on peut retrouver dans les mines. Il y a beaucoup de synergies à envisager, des possibilités de passerelles », estime-t-il, une évolution garante de la consolidation de la formation professionnelle à l’échelle nationale.

« Mécanique, électricité, soudure, chaudronnerie… Si on arrive à professionnaliser ces corps de métiers, il suffira de rajouter des certifications – apprendre à souder sous l’eau par exemple – pour répondre à des besoins spécifiques », poursuit-il. « Les premiers ingénieurs que nous avons formés ont aujourd’hui trois ou quatre ans d’expérience. Ils commencent à arriver à des postes de décision, se félicite-t-il. C’est aussi un projet social, qui transforme la vie des gens.».

Faire le saut vers les métiers des énergies renouvelables (NDLR)

Pour soutenir la transition vers la neutralité carbone, de nombreux métiers sont en voie de verdissement. Mais l’essor des énergies renouvelables réclame aussi le développement de nouvelles technologies, et donc l’apparition de nouvelles compétences pour penser ces nouvelles technologies et les infrastructures qui les accompagnent. Or, ces technologies évoluant rapidement, nous devons veiller à anticiper et accompagner au mieux les formations initiales et continues des métiers qui feront le secteur de l’énergie de demain.

L’INPG devrait se tourner vers un mix d’offres de formation liées aux hydrocarbures et aux énergies renouvelables.

Qu’il s’agisse de postes de techniciens, d’experts IT ou d’experts de la data, les besoins en recrutement d’opérateurs spécialisés dans les énergies renouvelables sont déjà bien réels. Mais ils devraient s’intensifier dans les prochaines années. L’Agence internationale de l’énergie renouvelable (Irena) estime ainsi que le nombre d’emplois directs et indirects dans le secteur atteindra 24,4 millions dans le monde à l’horizon 2030. Toujours selon l’Agence, il s’agira d’emplois bien rémunérés et assurant de bonnes conditions de travail.

Entre enjeux économiques et environnementaux, les énergies renouvelables créent de l’emploi et font apparaître de nouveaux métiers, pleins d’avenir, comme l’atteste un rapport de l’Organisation internationale du travail paru en 2018. A l’Afrique de s’y préparer, à défaut, le continent perdra des millions d’emplois.

Cinq métiers d’avenir auxquels le Sénégal devrait penser avec le potentiel dans la sous-région pour la formation de techniciens, d’ingénieurs, d’économistes etc.

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